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Rav Adin Steinsalz

Rav Adin STEINSALTZ
Le Livre de Kohelet
(l'Ecclésiaste)
Préface

KOHELET

Kohelet [L'Ecclésiaste] est un livre très particulier dont l’inspiration ne vient pas uniquement de la Emouna [la Foi] de son auteur. C'est plutôt un ensemble de réflexions et de perceptions auxquelles est parvenu un roi puissant, Chlomo [Salomon]; celui-ci porte un jugement lucide sur l’état du monde en général et sur la vie des hommes en particulier. Son analyse revêt donc souvent une tonalité négative, au point que certaines oppositions se sont élevées au sujet de l'incorporation du livre de Kohelet dans le cadre du canon biblique. 

Trois livres sont attribués au roi Chlomo : dans chacun des deux premiers, les Proverbes et le Cantique des Cantiques, Chlomo est nommément désigné comme étant leur auteur. Dans l’Ecclésiaste par contre, il apparaît sous le nom de ‘Kohelet’ [celui qui rassemble]. Bien que ces trois livres comportent des caractéristiques philosophiques et linguistiques communes, ils diffèrent par maints aspects les uns des autres. 

Plusieurs Sages ont émis l’hypothèse que ces trois livres ont été composés à des époques différentes de la vie de Chlomo. Ainsi, selon le Midrach, le Cantique des Cantiques, qui est un magnifique chant d’amour, serait le fruit de son inspiration au temps de sa jeunesse. Quant au livre des Proverbes, qui forme un ensemble de conseils pratiques en vue d’adopter un bon comportement, il aurait été conçu alors que Chlomo avait déjà acquis une certaine maturité. Enfin, lorsqu'il arriva à l'âge de la vieillesse et qu'il fut confronté à de nombreuses adversités de la vie, Chlomo aurait fait part de ses réflexions dans le livre de l’Ecclésiaste, où il décrit toutes les difficultés et les aventures de la vie, leurs hauts et leurs bas, comme étant en définitive de simples circonstances éphémères sans aucune importance. 

Cet ouvrage rassemble les pensées d’un homme sage et mûr qui n’a pas la prétention de présenter une image unifiée et cohérente de la réalité. De tout ce qu’il a pu voir et entendre, il garde une interprétation fondée sur la grande richesse de ses expériences, ainsi que sur  les vicissitudes auxquelles il a dû faire face au cours de sa vie. 

Le thème central qui se dégage de ce livre est la conviction profonde que tout ce que l’homme peut entreprendre en ce monde est vide de sens et dénué de valeur. Au-delà de propos convenus reposant sur la sagesse et l’éthique, Chlomo pose une question insondable liée aux paradigmes de l’existence humaine, à leur signification et à leur pérennité, ainsi que la congruence de la réalité visible avec les valeurs de la morale et de la justice. 

La confiance positive en soi n’est pas décrite de façon systématique et détaillée dans le livre de Kohelet, et les affirmations constructives qui apparaissent ici ou là ne sont pas aisément conciliables avec d’autres déclarations qui semblent parfois s’y opposer. Les recommandations que Chlomo invite à suivre sont beaucoup plus complexes que les conseils que l’on trouve dans le livre des Proverbes. Dans ce dernier, Chlomo recommande sans  aucune ambiguïté au lecteur de choisir le bien et de s’abstenir de commettre le mal ; tandis que le livre de Kohelet présente les réflexions d’un roi qui regarde le monde dans lequel il vit et où, sur le plan matériel, il a connu des succès considérables. Cependant, tout ce qu’il a entrepris ne lui a pas permis pas de trouver l’équilibre intérieur, et il lui semble difficile de trouver dans sa vie une finalité permettant de lui procurer satisfaction et plénitude.

Il convient de remarquer que dans ce livre, où l'existence humaine et la réalité de ce monde sont présentées comme étant dérisoires et sans intérêt, l’existence de l’Âme, indépendante du corps, est évoquée à plusieurs reprises, ce qui apporte une lueur d’optimisme au milieu des frustrations inhérentes à la futilité et au caractère éphémère du monde matériel. Kohelet est le seul livre du canon biblique à aborder explicitement le sujet de l’Âme humaine qui retourne vers le CRÉATEUR après la disparition du corps (verset 3, 20). Kohelet évoque également l’existence d’Âmes qui ne sont pas encore venues au monde (verset 4, 3).

Les tentatives récurrentes d’aborder tous ces sujets, les récits multiples concernant la recherche d’idées nouvelles sur la nature de l’existence humaine et sur le profond sentiment de frustration qu’engendre chaque fois le retour au point de départ, et le constat que tout n’est que vaine illusion, forment la trame du contenu de ce livre. Tant par ses contradictions internes que par sa structure tortueuse, qui résiste à toute tentative de découvrir un ordre ou un cadre cohérent, Kohelet affirme que le monde, dans tous ses détails, est rempli de problèmes, de confrontations et de souffrances.

Kohelet affirme que ce monde et la vie humaine sont dépourvus de signification. Il rejette les cadres conventionnels de pure forme sans jamais proposer d’alternatives.

Le lecteur attentif, que Kohelet est parvenu à convaincre qu’il est impossible de trouver un sens digne de ce nom en ce monde, n’a plus que deux options : se raccrocher à ce qui existe au-delà de cette existence futile, c’est-à-dire la crainte du CRÉATEUR et l’observation de ses Commandements, ou sinon vivre une vie remplie d’illusions.

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