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תְּפִלָּה
LA PRIÈRE JUIVE
par Rav Adin Steinsaltz

La prière est l’expression la plus marquante de l’émotion religieuse de l’homme et de sa relation avec son CRÉATEUR. Il y a bien sûr beaucoup d’autres façons grâce auxquelles l’homme peut exprimer ses sentiments religieux, depuis les rites cérémoniels fixes qui constituent en eux-mêmes un rituel religieux, jusqu’aux actes que l’homme accomplit pour se soumettre à la Volonté du CRÉATEUR, ou à ceux dont il décide de s’abstenir parce qu’ils vont à l’encontre de Sa Volonté et de Ses Commandements.

 

Si l’on trouve ces différents aspects chez toute personne qui a un sentiment religieux, on les trouve encore plus chez les Juifs, dont la vie est remplie de Commandements dits ‘positifs’ ou ‘négatifs’, de traditions et de coutumes, ainsi que de modes d’expression et de pensée juifs.

Pourtant, diverses influences sont susceptibles d’obscurcir ou de dissimuler l’intention liée aux actes qu’une personne peut accomplir pour exprimer sa relation vis-à-vis de DIEU. L’habitude et la routine peuvent amener telle personne à ne plus être consciente de la raison pour laquelle elle accomplit une action donnée. Il arrive souvent – quand elle vit au sein d’une société qui partage sa foi et se comporte de la même manière – qu’une personne accomplisse ces actes simplement parce qu'ils lui semblent être le mode de comportement normal, sans prêter attention à leur véritable contenu.

Même lorsqu’une personne accomplit une cérémonie rituelle, il n'est pas certain qu’elle en réalise pleinement le sens, car tout acte nécessite un aspect extérieur et technique. En veillant scrupuleusement à accomplir un acte donné de façon pointilleuse et particulière, et en prenant soin de vérifier que tout ce qui est nécessaire à la réalisation de cet acte soit bien conforme, cette personne risque d’oublier quel est le but essentiel qu’elle recherche.

La prière, quant à elle, est un acte direct et non équivoque de relation avec DIEU. Quelle que soit la manière dont elle est accomplie et prononcée, la prière est essentiellement une parole explicite du « je » humain au « TU » DIVIN. Dans son sens le plus profond, la prière est une parole par laquelle l’homme fait face à son CRÉATEUR et s’adresse directement à LUI.

Cette parole peut revêtir différentes formes : il peut s’agir d’une sollicitation, d’une supplication, d’une expression de gratitude, d’une lamentation, ou même d’une simple conversation. On retrouve tous ces éléments dans la prière, et chacun d’eux peut être exprimé de façon personnelle et individuelle. Les prières que l’on peut trouver dans les
livres de la Bible – en particulier dans le livre des Psaumes, qui est essentiellement un recueil de prières individuelles et collectives – représentent tous les types et toutes les variétés de prières qu’une personne ou une communauté peut adresser à D
IEU, le CRÉATEUR. Le large éventail de prières et de bénédictions que l’on trouve dans le Siddour comprend également l’ensemble des diverses manières dont il est possible de s’adresser à son CRÉATEUR.

De nombreuses prières sont des requêtes ou des supplications par lesquelles l’homme s’adresse à DIEU et lui demande quelque chose – que ce soit la vie, la santé, le succès, ou encore d’être préservé d’un désastre ou de la pauvreté. On peut solliciter DIEU pour soi-même ou pour d’autres personnes, qu’il s’agisse de proches ou de connaissances éloignées. Par ailleurs, il peut y avoir des requêtes de toute autre nature, par lesquelles une personne demande à DIEU de prendre en considération la honte qu’elle a subie, ou son désir d'être vengée et de voir ses ennemis punis.​​​​​​​​

D’autres prières encore sont une manière de dire « Merci », que ce soit de façon générale – pour toutes les bonnes choses de la vie, ou l’existence de quelque chose de beau ou d’agréable, ou pour un problème personnel : guérison d’une maladie, délivrance d’un danger, ou exprimer sa gratitude pour un événement particulier.

​Par ailleurs, il peut s’agir d’une prière qui exprime un questionnement, un étonnement, voire une plainte, comme les paroles assez audacieuses de critique prononcées par Avraham : « Loin de TOI l’idée d’agir ainsi, de faire périr le juste avec le méchant... Le JUGE de toute la terre ne ferait-Il pas ce qui est juste ? (Genèse 18, 25) ; ou encore, une plainte qui indique aussi une supplication et une soumission : « Tu es JUSTE, Ô ÉTERNEL, quand je me plains à TOI, et je veux plaider ma cause devant TOI : pourquoi la voie du méchant est-elle prospère ? » (Jérémie 12, 1).

Il y a aussi d’autres prières qui ne revêtent pas une forme particulière, mais qui se présentent comme une sorte de conversation ou d’épanchement du cœur devant DIEU. Parfois, cette confession de foi est une déclaration d’amour et d’ardent désir, comme : « Mon âme a soif de TOI, mon être TE désire passionnément » (Psaume 63, 1) ; parfois, elle exprime un sentiment de distance, par lequel une personne met son cœur à nu devant DIEU, sans rien demander, mais en exprimant sa douleur face à la perte matérielle ou spirituelle qu’elle a subie

 

En d’autres occasions encore, une personne peut souhaiter ‘confier’ à DIEU les bonnes actions qu’elle a faites et dire avec un sentiment de satisfaction : « Souviens-TOI de cela, Ô mon DIEU, pour mon bien » (Néhémie 5, 19) ; ou confesser ses fautes, qu’elles soient apparentes ou cachées. Toutes ces façons de s’adresser à DIEU, et bien d’autres, peuvent s’exprimer dans le cadre d’une prière personnelle. On les trouve dans le Siddour, qui est formulé de façon à servir aussi bien pour un usage personnel que public.

Cet aspect de la prière – la parole adressée directement à DIEU – est de nature essentiellement intime. Cette relation étroite et personnelle avec DIEU s’exprime alors non seulement lorsqu’une personne est seule dans l’obscurité de la nuit, quand elle épanche son cœur et son âme, mais aussi lorsqu’elle se tient au milieu d’une grande assemblée où tout le monde récite les mêmes mots à voix haute. Cette façon de s’adresser sous forme de conversation, de parole directe du « Je » humain au « TU » DIVIN, même lorsqu’elle est exprimée par l’ensemble de la Communauté, repose sur la simple hypothèse qu’un tel dialogue est possible.

Mais qu’il s’agisse d'une supplication ou d’une louange, la prière est toujours une parole adressée à DIEU, et cette parole n’est possible que lorsqu’une personne sait que « Certes, DIEU m’a exaucé et Il a écouté la voix de ma prière » (Psaume 66, 19). C’est cette conscience que « TU entends la prière de chaque bouche » (‘Amida) qui pousse l’homme à prier et à confier à DIEU toutes ses questions secrètes et personnelles : besoins, angoisses, demandes et désirs sincères.

Mais pour prier ainsi, pour « se répandre en plaintes devant l'ÉTERNEL » (Psaume 102, 1), il faut ressentir une intime proximité avec DIEU, comme « un PÈRE Bienveillant ». Un enfant qui se tient devant son père sent qu’il peut lui dire tout ce qu’il a sur le cœur : plaider son bon droit, se plaindre, remercier, ou simplement lui parler de choses sans grande importance...​​​​​

Rabbi Adin Steinsaltz​​​​

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