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Le libre-arbitre ou la liberté retrouvée

  • Photo du rédacteur: Michel Benhayim
    Michel Benhayim
  • 24 août
  • 6 min de lecture

La liberté de choisir

Après avoir exposé les principes généraux de la Tora, Moshé rappelle maintenant au Peuple qu’il dispose du libre-arbitre, celui d’accepter ou de refuser son Alliance avec HACHEM :


« Vois, je mets aujourd’hui devant vous la bénédiction et la malédiction : la bénédiction, si vous obéissez aux Mitsvot de HACHEM , votre ELOKIM, que je vous donne aujourd’hui ; la malédiction, si vous désobéissez aux Mitsvot de HACHEM , votre ELOKIM, et que vous vous écartez de la voie que je vous prescris aujourd’hui, pour suivre d’autres dieux que vous ne connaissez pas. (Deutéronome 11, 26-28) »


De même : « Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal… Je prends à témoin contre vous aujourd’hui le Ciel et la Terre : j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance. (Deutéronome 30, 15, Deutéronome 30, 19). »


Maïmonide considère ces deux passages comme la preuve de notre foi dans le libre-arbitre (Hilkhot Techouva 5, 3), ce qu’ils sont effectivement. Mais ils sont plus que cela. Ils sont aussi une déclaration politique. Le lien entre la liberté individuelle, dont parle Maïmonide, et le choix collectif, dont parle Moshé, est le suivant : si les êtres humains sont libres, ils ont besoin d’une société libre au sein de laquelle ils peuvent exercer cette liberté. Le livre du Deutéronome constitue la première tentative de l’histoire de créer une société libre.


La vision de Moshé est profondément politique, mais d’une façon qui est unique. On ne parle pas de politique en tant que recherche de pouvoir, de défense d’intérêts ou de préservation de classes ou de castes. On ne parle pas de politique comme l’expression d’une quelconque gloire ou renommée nationale. Dans les paroles de Moshé, on ne trouve aucune envie de célébrité, d’honneur ni de désir d’expansion ou d’empire. Il n’y a pas un mot de nationalisme au sens conventionnel. Moshé ne dit pas au Peuple qu’il est grand. Il leur dit qu’ils ont été rebelles, qu’ils ont fauté, et que leur manque de Emouna lors de l’épisode des explorateurs leur a coûté quarante années supplémentaires dans le désert avant d’entrer en Terre Promise. Moshé n’aurait gagné aucune élection. Il n’était pas ce genre de dirigeant.


Au lieu de tout cela, il appelle le Peuple à faire preuve d’humilité et de responsabilité. Il lui dit en substance : “Nous sommes la Nation choisie par HACHEM pour une très grande expérience : pouvons-nous créer une société qui ne soit ni l’Égypte ni un empire ni divisée entre dirigeants et dirigés ? Pouvons-nous rester fidèles à la Main Providentielle qui a guidé notre destin depuis que je me tenais devant Pharaon pour demander notre liberté ? Car si nous croyons vraiment en HACHEM – pas en un dieu d’abstraction philosophique mais en un D.IEU dont l’Écriture a tracé notre histoire, en un D.IEU auquel nous nous sommes engagés au mont Sinaï à être fidèles, en un D.IEU Qui est notre seul Souverain, alors nous pouvons accomplir de grandes choses.


Elles ne seront pas grandes au sens matériel, mais grandes sur le plan moral. Car si toute la Puissance, toute la Richesse et toute la Force appartiennent à HACHEM, alors aucune de ces grandes choses ne peut légitimement nous séparer les uns des autres. Pour Lui, nous sommes tous également précieux. Il nous a demandé de nourrir le pauvre, d’accueillir la veuve et l’orphelin, le Lévi sans terre et l’étranger non-Juif, de les intégrer à nos réjouissances et à nos jours de repos. Il nous a ordonné de créer une société juste qui honore la dignité humaine et la liberté.


Moshé insiste sur trois points. Premièrement, nous sommes libres. Le choix nous appartient. Bénédiction ou malédiction ? Bien ou mal ? Fidélité ou infidélité ? À vous de décider, dit Moshé. Jamais la liberté n’a été définie de manière aussi claire, non seulement pour un individu mais également pour une nation tout entière. Nous comprenons aisément qu’en tant qu’individus, nous soyons confrontés à des choix moraux. Adam et Ève l’ont été. Caïn aussi. Le choix est inscrit dans la condition humaine.


Mais se l’entendre dire en tant que Nation, voilà quelque chose de nouveau. Moshé dit qu’il n’y a pas d’argument valable dans toutes les protestations d’impuissance : « Nous ne pouvions rien y faire. Nous étions en infériorité. Nous avons été vaincus. C’est la faute de nos dirigeants ou de nos ennemis. »


Non, dit Moshé, votre destin est entre vos mains. La Souveraineté de HACHEM n’enlève en rien la responsabilité humaine. Au contraire, elle lui donne une position centrale. Si vous êtes fidèles à HACHEM, dit Moshé, vous l’emporterez sur les empires. Si vous ne l’êtes pas, rien d’autre, ni la force militaire ni les alliances politiques, ne sera en mesure de vous aider. Si vous trahissez votre destin unique, si vous adorez les dieux des nations qui vous entourent, alors vous deviendrez comme elles. Vous subirez le sort que toutes les petites nations ont connu à l’époque des superpuissances. Ne rejetez pas la faute sur les autres, sur le hasard ou la malchance pour expliquer votre défaite éventuelle. Le choix est le vôtre ; la responsabilité est entièrement la vôtre.


Deuxièmement, nous sommes collectivement responsables. L’expression « Tout Israël est garant l’un de l’autre » est d’ordre rabbinique, mais l’idée est déjà présente dans la Tora. C’est là aussi une idée radicale. Dans le Judaïsme, il n’y a pas de « théorie des grands hommes » de l’histoire. Le destin d’Israël dépend de la réponse d’Israël, tout Israël, depuis « les chefs de vos tribus, vos anciens et vos préposés » jusqu’à vos « fendeurs de bois et porteurs d’eau » (Deutéronome 29, 9-10). Contrairement à toutes les autres nations du monde antique, et à la plupart des nations actuelles, le Peuple de l’Alliance ne croit pas que son destin est déterminé par des rois, des empereurs, une cour royale ou une élite dirigeante. Il est déterminé par chacun de nous, en tant qu’agents moraux, mutuellement responsables du bien commun.


Troisièmement, il s’agit d’une politique qui est centrée sur HACHEM. Il n’y avait pas de mot pour exprimer cette notion dans le monde antique, aussi Flavius Josèphe a-t-il dû en créer un. Il l’appela « théocratie ». Cependant, ce mot a largement été galvaudé depuis et il est employé à tort pour signifier « gouvernement par les religieux, les prêtres ». Ce n’était pas cela, Israël. Si un mot rend justice à la vision du Deutéronome, ce n’est pas théocratie mais nomocratie, « le règne des lois, non des hommes ».


L’Israël biblique est le premier exemple historique d’une tentative de création d’une société libre. Libre, non pas au sens moderne de liberté de conscience. Ce concept est né au XVIIᵉ siècle dans une Europe meurtrie par un siècle de guerres de religion entre catholiques et protestants. La liberté de conscience visait à résoudre le problème de savoir comment des personnes ayant des croyances religieuses très différentes (toutes chrétiennes, en l’occurrence) pouvaient vivre en paix ensemble. Ce n’est pas à ce problème que répondait l’Israël biblique.


Il répondait à la question suivante : comment la liberté et la responsabilité peuvent-elles être partagées également par tous ? Comment limiter le pouvoir des dirigeants pour qu’ils ne transforment pas la masse du peuple en esclaves, pas nécessairement au sens littéral, mais en une force de travail utilisée pour construire des monuments ou mener des guerres impériales ?


Si HACHEM est notre seul Souverain, alors tout pouvoir humain est délégué, limité, soumis à des contraintes morales. Les Juifs furent les premiers à croire qu’une Nation entière pouvait se gouverner elle-même dans la liberté et la dignité. Cela n’a rien à voir avec les structures politiques (monarchie, oligarchie, démocratie), et tout à voir avec la responsabilité morale collective.


Les Juifs n’ont jamais pleinement accompli cette vision, mais n’ont jamais cessé de s’en inspirer. Les paroles de Moshé nous interpellent encore aujourd’hui. HACHEM nous a donné le libre-arbitre. Utilisons-le pour créer une société juste, généreuse et empreinte de bonté. HACHEM ne le fera pas à notre place, mais Il nous a appris comment le faire.


Comme l’a dit Moshé : le choix est entre nos mains...


Rav Jonathan Sacks


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