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Yom Kippour - Rabbi Jonathan Sacks, Ancien Grand Rabbin d'Angleterre

  • Photo du rédacteur: Michel Benhayim
    Michel Benhayim
  • 31 juil.
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 oct.

Roch HaChana

Yom Kippour en quelques mots: Yom Kippour est le SAINT DES SAINTS du temps juif, le moment où nous devons rendre compte de ce que nous avons fait de notre vie. Nous réfléchissons à ce qui nous est arrivé et à ce que nous prévoyons de faire au cours de l'année à venir.


La leçon la plus importante de Yom Kippour est qu'il n'est jamais trop tard pour changer, recommencer et vivre différemment de ce que nous avons fait dans le passé. DIEU pardonne toutes les erreurs que nous avons pu commettre, à condition que nous les regrettions sincèrement et que nous fassions tout ce qui nous est possible pour les réparer. Même si nous pensons n'avoir rien à regretter, Yom Kippour nous incite à réfléchir à la manière de vivre au cours de la nouvelle année de manière à apporter des bénédictions dans la vie des autres, en remerciant DIEU pour tout ce qu'il nous a donné.


Dans les temps anciens, le jour de Yom Kippour était célébré sous forme d'une grande cérémonie publique organisée dans le Temple de Jérusalem. L'homme le plus Saint d'Israël, le Grand Prêtre, entrait dans l'espace le plus sacré et confessait les fautes du Peuple en utilisant le NOM le plus SAINT de DIEU, et il assurait ainsi l'expiation des fautes pour tout Israël. C’était un moment d’une grande intensité dramatique dans la vie du Peuple qui avait la conviction que son destin dépendait de sa relation avec DIEU, qui savait qu'il n'y a pas de vie, et encore moins de Peuple, sans faute, et qui savait, par son histoire, que la faute pouvait entraîner une catastrophe.


Après la destruction du second Temple, un profond changement se produisit. Il n'y eut plus de Grand Prêtre, plus de sacrifice, plus de Feu Divin, plus de lévites pour chanter des louanges, plus de foule qui se pressait dans l'enceinte de Jérusalem et remplissait le Mont du Temple. Surtout, il n'y avait plus de rituel du Yom Kippour grâce auquel le Peuple pouvait demander le Pardon de ses fautes.


Il y eut alors une transformation qui constitua l'une des plus grandes réponses novatrices à une tragédie historique. Le rituel de Yom Kippour fut transféré du Temple de Jérusalem à toutes les synagogues du monde entier. Au lieu que le Grand Prêtre intervienne en tant que représentant, DIEU Lui-même purifiait Son Peuple sans que celui-ci ait besoin d'un intermédiaire. Même les Juifs ordinaires pouvaient, pour ainsi dire, se retrouver face à Face avec la CHEKHINA, la PRÉSENCE DIVINE . Ils n'avaient besoin de personne pour demander à leur place de se faire pardonner. Le drame qui se déroulait autrefois dans le Temple pouvait désormais se dérouler dans le cœur humain. Yom Kippour était sauvé, et il n'est pas exagéré de dire que la Foi juive, la EMOUNA, fut également sauvée.


Comment le jour de Yom Kippour peut-il nous transformer ?


Pour ceux qui ouvrent leur cœur de façon sincère, Yom Kippour est une expérience qui transforme la vie. Ce moment nous dit que DIEU, Qui a créé l'univers, nous tend Sa MAIN avec Amour et la Volonté de pardonner, en nous demandant d'aimer les autres et de leur pardonner. DIEU ne nous a jamais demandé de ne pas commettre d'erreurs. Tout ce qu'Il nous demande, c'est de reconnaître nos erreurs, d'en tirer les leçons, de grandir grâce à elles et de les réparer lorsque nous le pouvons. Aucune religion n'a jamais eu une vision aussi élevée des possibilités humaines.


Le DIEU Qui nous a créés à Son IMAGE nous a donné la liberté. Nous ne sommes pas entachés par le péché originel, voués à l'échec, sous l'emprise d'un mal que seule la GRÂCE DIVINE peut effacer. Au contraire, nous avons en nous le pouvoir de choisir la vie. Ensemble, nous avons le pouvoir de changer le monde.


Les cinq principes suivants, qui sont tous au cœur de Yom Kippour, sont des valeurs et des idées juives fondamentales qui nous façonnent en tant que Juifs et êtres humains.


1. Honte et culpabilité


Le Judaïsme est le meilleur exemple au monde d'une culture qui lie la culpabilité et la repentance, par opposition à la culture de la honte et de l'honneur des Grecs de l'Antiquité.

Grèce antique

Dans une culture de la honte comme celle de la tragédie grecque, le mal s'attache à la personne. C'est une sorte de tache indélébile. Il n'y a pas de retour possible pour celui qui a commis un acte honteux. Il devient un paria et le mieux qu'il puisse espérer est de mourir pour une noble cause.


À l'inverse, dans une culture de la culpabilité comme celle du Judaïsme, le mal est un attribut de l'acte et non de l'agent. Même celui qui a fait le mal a un ‘moi’ sacré qui reste intact. Il peut avoir à subir une punition. Il doit certainement s'amender. Mais il reste un noyau de valeur qui ne peut jamais être perdu. Une culture de la culpabilité déteste le péché, pas le pécheur. Le repentir, la réhabilitation et le retour sont toujours possibles.


Une culture de la culpabilité est une culture de la responsabilité. Nous ne blâmons personne d'autre pour les erreurs que nous commettons. Il est toujours tentant de rejeter la faute sur les autres – ce n'est pas moi, ce sont mes parents, mon éducation, mes amis, mes gènes, ma classe sociale, les médias, le système, ‘eux’... C'est ce que les deux premiers êtres humains ont fait dans le Jardin d'Eden. Lorsque DIEU  leur a reproché d'avoir mangé du fruit défendu, l'homme a rejeté la faute sur la femme, la femme a accusé le serpent et le résultat a été le paradis perdu.


Blâmer les autres pour nos échecs est aussi vieux que l'humanité, mais c'est désastreux. Cela signifie que nous nous définissons comme des victimes. Une culture de la victimisation gagne la compassion des autres, mais à un prix trop élevé. Elle développe des sentiments de ressentiment, d'humiliation et de rancune. Elle conduit les gens à s'emporter contre le monde au lieu de prendre des mesures pour le réparer. Les Juifs ont beaucoup souffert, mais Yom Kippour nous empêche de nous définir comme des victimes. En confessant nos fautes, nous ne blâmons personne et nous assumons l'entière responsabilité de nos actes. Le fait de savoir que DIEU nous pardonnera nous permet d'être totalement honnêtes avec nous-mêmes.


2. L'esprit de progrès


Yom Kippour nous permet également de grandir. Nous devons à la thérapie cognitive et comportementale de nous avoir rappelé un élément classique de la Emouna juive : lorsque nous changeons notre façon de penser, nous changeons notre façon d’être. Et lorsque nous sentons que nous devenons différents, nous vivons différemment. Ce que nous croyons façonne ce que nous devenons.


Au cœur de la תְּשׁוּבָה ‘Techouva’ se trouve la conviction que nous pouvons changer. Nous ne sommes pas destinés à rester éternellement ce que nous étions. Dans la Tora, nous voyons Yehouda évoluer, d'un frère envieux prêt à vendre Joseph comme esclave, à un homme ayant la conscience et le courage de s'offrir comme esclave pour que son frère Benjamin puisse être libre.


Nous savons que certaines personnes aiment les défis et prennent des risques, tandis que d'autres, non moins douées, jouent la carte de la sécurité et finissent par ne pas réussir. Les psychologues nous disent que la différence essentielle réside dans le fait que l'on peut considérer ses capacités comme fixes, ou comme développées par l'effort et l'expérience. La Techouva repose essentiellement sur l'effort et l'expérience. Elle suppose que nous pouvons grandir. Elle signifie aussi que je peux prendre des risques, en sachant que je peux échouer mais que l'échec n'est pas définitif. Cela signifie que si je me trompe et que je fais des erreurs, DIEU ne perd pas confiance en moi, même si je perds confiance en moi-même. DIEU croit en nous, même si nous n'y croyons pas. Ce seul fait peut changer notre vie si nous nous ouvrons pleinement à ses implications.


La Techouva signifie que le passé n'est pas irrémédiable. Cela signifie que chaque erreur me fait grandir. Il n'y a pas d'échec que je subisse qui ne fasse pas de moi un être humain et plus profond ; pas de défi que j'accepte, même si je ne suis pas à la hauteur, qui ne développe en moi des forces que je n'aurais jamais eues autrement. Telle est la première transformation de Yom Kippour : une relation renouvelée avec moi-même.


3. Nos relations avec les autres


La troisième transformation est une relation renouvelée avec les autres. Nous savons que Yom Kippour n'expie que les fautes commises entre nous et DIEU, mais cela ne signifie pas que ce sont les seules fautes pour lesquelles nous devons rechercher l'expiation. Au contraire, beaucoup, voire la plupart des fautes que nous avouons à Yom Kippour concernent nos relations avec d'autres personnes. Dans toute la littérature prophétique et rabbinique, on part du principe que, de la même façon que nous agissons envers les autres, DIEU agit envers nous. Ceux qui pardonnent sont pardonnés. Ceux qui condamnent sont condamnés.


Les dix Jours de repentir, entre Roch HaChana et Yom Kippour, sont une période pendant laquelle nous essayons de réparer les relations qui ont été rompues. Il faut une certaine forme de courage moral pour s'excuser, une autre pour pardonner, mais les deux peuvent être nécessaires.


L'incapacité à guérir les relations peut diviser les familles, détruire les mariages, ruiner les amitiés et diviser les communautés. Ce n'est pas ce que DIEU attend de nous. Nous apprenons qu'après la mort de Sara, Avraham a repris Hagar et Ismaël dans sa famille, réparant ainsi la rupture qui s'était produite plusieurs années auparavant. Selon la tradition, Aharon était aimé de tout le Peuple parce qu'il était capable de réparer les amitiés brisées.


En l'absence d'un jour désigné, aurions-nous jamais le temps de réparer les relations qui ont été brisées ? Souvent, nous ne disons pas aux gens combien ils nous ont blessé parce que nous ne voulons pas paraître vulnérables ou étroits d'esprit. À l'inverse, nous hésitons parfois à nous excuser parce que nous nous sentons tellement coupables que nous ne voulons pas exposer notre culpabilité.


4. Revenir à la maison


La quatrième transformation est une relation renouvelée avec DIEU. À Yom Kippour, DIEU est PROCHE. La vie juive est pleine de signaux de la Transcendance, d'invitations à l'Éternité. Nous rencontrons DIEU de trois manières : par la Création, la Révélation et la Rédemption.


a) Par la בְּרִיאָה ‘Création’ : plus nous approfondissons la cosmologie, plus nous réalisons à quel point l'univers est improbable. Il est trop finement réglé pour que l'émergence des étoiles, des planètes et de la vie soit le fruit du hasard. Plus nous comprenons l'improbabilité même de l'existence de l'univers, de l'émergence de la vie à partir de la matière inanimée et de l'apparition tout aussi mystérieuse de l'Homo sapiens, la seule forme de vie capable de poser la question « Pourquoi ? », plus le verset de תְּהִלִּים ‘Tehillim’ (Psaumes) sonne juste : « Que Tes ŒUVRES sont GRANDES, HACHEM, toutes Tu les as faites avec SAGESSE » (Tehillim 104, 24).


b) Par la הִתְגַּלּוּת ‘Révélation’ : c’est-à-dire par les PAROLES de DIEU telles qu'elles sont consignées dans la TORA. Rien dans l'histoire n'est comparable au fait que les Juifs ont passé mille ans (de Moshé au dernier des prophètes) à composer un commentaire de la TORA sous la forme des livres prophétiques, historiques et de Sagesse du תָּנָ״ךְ ‘Tanakh’, puis un autre millier d'années (de Malachie au Talmud de Babylone) à compiler un commentaire du commentaire sous forme de la vaste littérature de la TORA orale (מִדְרָשׁ ‘Midrach’, מִשְׁנָה ‘Michna’ et גְּמָרָא ‘Guemara’), puis un autre millier d'années (des גְּאוֹנִים ‘Gueonim’ aux אַחֲרֹנִים ‘Aḥaronim’, les autorités ultérieures) à rédiger des commentaires du commentaire du commentaire.


c) Et à travers l'histoire : de nombreux grands penseurs, dont Blaise Pascal et Léon Tolstoï, estimaient que l'histoire juive était la preuve la plus convaincante de l'existence de DIEU. Parfois, DIEU nous apparaît non pas comme la conclusion d'un raisonnement, mais comme un sentiment, une intuition, une PRESENCE ressentie, alors que nous nous trouvons dans la synagogue en ce Jour Saint, écoutant les mélodies de notre Peuple, prononçant les mots que les Juifs ont prononcés de Barcelone à Bergen-Belsen et à Bnei-Brak, de Tolède à Treblinka et à Tel-Aviv, sachant que nous faisons partie d'une immense histoire qui s'est déroulée à travers les siècles et les continents, l'histoire d'amour tumultueuse mais finalement porteuse d'espoir d'un Peuple à la recherche de DIEU, et de DIEU à la recherche d'un Peuple.


Il n'y a jamais eu de drame comparable, avec ses hauts et ses bas, ses triomphes et ses tragédies, ses chants de louange et ses lamentations, et nous en faisons partie. Pour la plupart d'entre nous, ce n'est pas quelque chose que nous avons choisi, mais un destin dans lequel nous sommes nés.


5. Quel chapitre allons-nous écrire dans le Livre de la Vie ?


En ce Jour des jours, nous sommes subitement candides : « Avant d'être formé, j'étais sans valeur, et maintenant que je suis formé, c'est comme si je n'avais pas été formé. Je suis poussière de mon vivant, à plus forte raison quand je serai mort’. Pourtant, la même Foi qui a inspiré ces mots a également déclaré que nous devrions nous considérer nous-mêmes et le monde comme si nous étions à part égale entre le mérite et la culpabilité, et que notre prochain acte pourrait faire pencher la balance, pour ma vie et pour le monde (Rambam, Lois du repentir 3, 4). Le Judaïsme vit dans cette dialectique, entre notre petitesse et notre grandeur potentielle. Nous sommes peut-être de la poussière, mais en nous il y a des désirs immortels.


Yom Kippour nous invite à devenir meilleurs que nous ne l'étions, sachant que nous pouvons être meilleurs que nous ne le sommes. Cette connaissance vient de DIEU. Si nous ne sommes que ce que nous faisons par nous-mêmes, nous vivons dans la prison de nos propres limites. Les véritables grands hommes sont ceux qui se sont ouverts à l'inspiration de quelque chose qui est plus grand qu'eux-mêmes.


Yom Kippour parle de l'humilité qui mène à la Grandeur : notre capacité à dire, encore et encore, עַל חֵטְא שֶׁחָטָאנוּ, ‘pour la faute que nous avons commise’, tout en sachant que cela n'est pas dit pour s'apitoyer sur notre sort, mais plutôt comme le prélude à une plus grande réussite à l'avenir, de la même manière qu'un champion dans n'importe quel sport, un maestro dans n'importe quel domaine, passe en revue ses erreurs passées dans le cadre de la préparation au prochain défi, au prochain échelon à gravir.


La force de Yom Kippour réside dans le fait qu'il nous met face à ces vérités. Par ses paroles, sa musique et ses actes de piété, par la manière dont il concentre les énergies en nous privant de tous les plaisirs physiques que nous associons normalement à une Fête juive, par la pure passion de la liturgie et ses multiples façons de demander pardon, il nous confronte à la question ultime : comment allons-nous vivre ? Vivrons-nous une vie qui explore pleinement la capacité de l'esprit humain à atteindre ce qui se trouve au-delà de lui ? Grandirons-nous sur le plan émotionnel ? Apprendrons-nous l’art de la loyauté et celui de l'amour ? Entraînerons-nous notre oreille intérieure à entendre le cri du solitaire et du pauvre ? Vivrons-nous une vie qui fait la différence, en rapprochant un peu plus le monde actuel du monde futur ? Ouvrirons-nous nos cœurs et nos esprits à DIEU ?


Le jour le plus exigeant de l'année juive, un jour sans nourriture ni boisson, un jour de prière et de pénitence, de confessions et de supplications, au cours duquel nous nous accusons de toutes les fautes imaginables, continue d'appeler les Juifs, nous touchant au plus profond de notre être. C'est un jour où nous courons vers les Bras ouverts de DIEU, en pleurant parce que nous L'avons probablement déçu, ou parce que nous avons parfois l'impression qu'Il nous a déçus, tout en sachant que nous avons besoin de Lui et Lui de nous, car si DIEU peut créer un univers, Il ne peut vivre dans le cœur de l'homme que si nous Le laissons entrer.


Ce jour n'est pas seulement celui de la confession et du pardon, mais aussi celui d'une profonde libération. L'expiation signifie que nous pouvons recommencer à zéro. Nous ne sommes pas prisonniers du passé ou de nos échecs. Le Livre de la Vie est ouvert et DIEU nous invite, Sa MAIN nous guidant comme un scribe guide la main de ceux qui écrivent une lettre dans un Rouleau de la TORA, à écrire un nouveau chapitre de l'histoire de notre Peuple, un chapitre qui nous est propre mais que nous ne pouvons pas écrire seuls sans nous ouvrir à quelque chose de plus grand que nous ne pourrons jamais pleinement comprendre. C'est un Jour où DIEU nous invite à la Grandeur.


Jonathan Sacks

Rav Jonathan Sacks


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